Traité Oniroscopiste


Axiomes et Théorèmes

 

 

L’acte de penser est inhérent à celui de créer.Le créatif est un imposteur,un spéculateur qui plagie les moindres recoins et desseins du créateur,seul vrai maître du renouveau,de ce que devrait être l’art sans le fatras cabot de ce qu’on nous présente trop souvent.

L’Oniroscopisme est.L’oniroscopisme est la vérité trichée comme il se doit.

L’oniroscopisme égare et déjoue,dupe et abuse.Les choses photographiées,écrites,mises en musique ou composées sont ce qu’elles sont en ne l’étant plus,l’identité n’est plus celle qu’on croit.

L’Œuvre photographique de San Damon est un symbole,une allusion désordonnée de l’identité.Son œuvre tout entière est une question sur l’identité qu’il y ait ou non des personnages.Une espèce d’effet miroir qui se complique au plus l’œuvre est détaillée par celui qui la scrute,l’examen semble être celui de sa propre identité.Damon nous oblige en regardant ses œuvres à dévisager l’intrus que nous sommes,à nous emparer de nous;la question qu’il nous lance : Qui sommes-nous sous la mascarade ?

Cela s’adresse forcément lors de l’intervention dans une œuvre de personnages,mais pas seulement.

L’exemple d’un arbre photographié par Damon reste un arbre sur le plan de son architecture mais l’atmosphère et ce qui l’entoure sont bouleversés,ses couleurs sont converties et principalement converties de façon inattendue.Il modifie la perception de ce que l’on possède en mémoire,nos références nous obligent à retrouver ce que l’on comprend,ce que l’on aime,et aimer autre chose n’est pas si facile.Cet esthétisme ne peut que nous subjuguer;qu’il le veuille ou non,l’humain répond d’abord à des critères de beauté et certains d’entre eux sont universels.

Si on aborde d’abord le principal précepte de la photographie,la lumière,on peut clairement dire que l’oniroscopisme de San Damon a la sienne.L’ampleur qu’il lui donne est plus qu’étonnante,il la manipule avec une dextérité peu commune.On la retrouve là où elle ne devrait pas être et elle est là où elle ne pourrait pas se trouver,elle est désorganisée.

Pensons aux couleurs qui se déclinent principalement sur des tons allant de l’ocre au terre de Sienne ou du bleu au noir en passant par des nuances intermédiaires subtiles et fécondes.Une œuvre de Damon est souvent soulignée de noir dont la profondeur est assez rare.Les rouges et les jaunes sont volontairement inexacts.L’intention résolue de l’oniroscopisme se trouve dans les mémoires,dans les envies et peut-être dans les peurs primales qui nous restent.Une œuvre de Damon est-elle psychiatrique ?

Les objets et sujets,s’ils sont concrets,nous semblent pourtant comme en suspens.En revanche,tout ce qui est abstrait nous apparaît étonnamment palpable,une sorte de magie des sujets photographiés envahit celui qui regarde.Le pourtant familier,le cependant ordinaire,le commun des choses est modifié sans qu’on sache comment et surtout pourquoi,et peut-être allons plus loin,pourquoi y sommes-nous absorbés ? Comment se fait-il qu’on s’y repose sans crainte alors que le danger est présent ? Mais le danger n’est sans doute pas toujours une menace.

Réfléchir aux angles,c’est réflechir à ce que l’on connaît sauf….si eux aussi,qui semblent à première vue « normaux »,parviennent au détriment de l’observateur de l’œuvre à le leurrer,à lui mentir sur ce qu’il connaît ou comment tricher sans qu’on s’en aperçoive alors que le doute est permanent,disons-le,évident.Maîtriser tout autant qu’inventer les fausses perspectives,les contre-plongées inattendues ou encore les gros plans délibérément impropres.Il va de certitude,qu’elle soit élément isolé ou réuni,qu’on reconnaît immédiatement une œuvre de Damon,une œuvre oniroscopiste,sa signature,c’est elle-même.

Le texte oniroscospiste est une entité en lui-même,la notion de concept ici serait erronée ou pas suffisante.L’être créant un mot en lui donnant un sens,ou l’acte d’un propos pouvant être entendu par d’autres comme différent à son étymologie initiale.Cet être-là fait de l’oniroscopisme.Les mots sous tensions vocaliques sont lancés hors de leurs formes,on comprend une intention,une émotion,un trouble,calme et excitant à la fois.

Leurs prosodies soutiennent les notes à un moment déterminé,on ne doit pouvoir s’en détacher,ni de l’un ni de l’autre.Ils sont les éléments essentiels qui fondent cet art en général et sous son langage écrit.On pourrait dire que dans la poésie oniroscopiste un mot est une couleur;outre cela,il y a la mise en scène générale du scopisme,autrement dit,du mouvement.Ensuite entre en scène le scénario dialogué,l’oniros,autrement dit, l’utopie,le rêve,le cauchemar.D’abord les mots,seuls,parfois des phrases dites entières ou non,pour suggérer mais dans le sens de l’imposition,pas de liberté consensuelle à l’écoutant.

La musique oniroscopiste n’est pas ou plus de la musique acousmatique ou concrète,car trop éloignée du brouhaha de ces dernières.La ligne mélodique est esthétique et se doit à son omniprésence,elle apporte comme les mots et les images oniroscopistes une véracité à l’œuvre,elle est tenue par sa propre idéologie.Qu’on soit dans le rêve,la fantaisie,la rigueur,elle nous amène à concevoir les accidents,mais le sont-ils,comme de toute beauté.

La première symphorapsodie oniroscopiste comportait quinze mouvements,dissociables, pense-t-on en l’écoutant ?

Les segmenter est envisageable et même recevable.Ils seraient alors universels par et dans leurs genèses,mais dans ce cas on sortirait du domaine,du domaine tout entier de l’oniroscopisme.La réflexion ou le jugement abstractif serait ici ramené à un entendement intellectuel,à une opinion presque isolée.

Une sorte de gestation avortée de sa principale substance,de son espace,de l’essence temps et artistique,de sa vision céleste.

Dans la musique oniroscopiste,et seulement sous un certain aspect,rentre un second personnage,un visage classique avec une perception antinomique.

San Damon fonde Octobery Théorème,cette conception uniquement musicale vient se loger dans l’immeuble oniroscopisme qu’il a créé.La métaphore convient à merveille……et l’immeuble se transforme en gratte-ciel.

Le mot-valise de symphorapsodie,de « symphonie et rapsodie »,n’est pas une illusion.

L’orchestration est ici pensée comme une symphonie avec son système tonal et son échelle diatonique qui suivent un cours paraissant de premier abord logique,lorsque survient une conception composée dissonante entre les notes donnant l’impression d’instabilité et/ou de contrariété.Le dodécaphonisme cher à Arnold Schönberg ou à Anton Webern reste à distance.Ici est amenée,par certes une série de notes émancipées  du système tonal,une approche encore différente,car interviennent,ce qui la porte musicalement,d’étranges mots dits.Une poésie issue des textes de Damon mais pas interprétée dans son entièreté textuelle,les mots sont comme des sons qui épousent ou cloisonnent la composition tonale,le sens est cohérent,les sons urbains qui interviennent tout au long de l’œuvre sont formellement incohérents mais l’ensemble de la symphorapsodie oniroscopiste,et c’est ce qui est troublant,redevient cohérent.

La réussite de cette œuvre vient sans nul doute de ce que San Damon,qui a composé ces quinze mouvements,le fait d’oreille dans une totale anarchie et force les musiciens à faire rentrer sur la portée des contradictions,des césures de rythmes et des passages inopportuns.Les segmentations composées apportent du coup une autre perception à cette étrangeté qu’est la symphorapsodie oniroscopiste.Un sentiment de bien-être et dépressif à la fois,l’un n’étant pas incompatible avec l’autre,envahit celui qui écoute avec cette fantastique impression de pouvoir toucher de la main le rendu de l’œuvre finale comme si l’abstrait se transformait en matière.

On peut dire que par moments lorsque tous les éléments de l’oniroscopisme sont réunis, on semble percevoir une couleur pour un instrument,une variante de cette couleur pour un autre instrument de la même famille,un mot pour une couleur,un synonyme de ce mot pour une déclinaison de cette couleur.Un mot signifiant une note d’un instrument conjuguée à une couleur ou à sa variante,ou encore un mot et ses synonymes apparentés à un instrument et à ses gammes.Un instrument accouplé à une couleur et/ou cette couleur serait signifiée par différents mots ou une œuvre photographique à une phrase soutenue par une série d’accords et d’harmonies.Bref,c’est l’infini,c’est une partie d’échecs,chers à Damon,où 64 milliards de possibilités sont faites de toute majesté.

La valeur abstractive est une notion incluse dans l’oniroscopisme et donc dans l’acte créatif de celui-ci par San Damon,s’il en ressent l’envie.Elle consiste,en photographie uniquement,à obtenir une série de photos,ou même une seule photo,plus rare,depuis une photo qui est au départ exclusivement concrète pour arriver à une photo qui ne l’est plus.C’est une première car il est fréquent qu’une photo soit rendue abstraite par l’ouverture de l’obturateur,par le jeu de la focale ou d’un mouvement donné à l’appareil photographique.Ici,il ne s’agit pas de cela,mais d’un réel calcul de transformation manuelle pour l’obtenir.

San Damon les présente souvent en série car celui-ci passe par différentes variantes complexes et savantes.

La doctrine « philomusicale » de la symphorapsodie oniroscopiste consiste notamment dans le développement du système que Damon a élaboré pour elle.En d’autres termes,il théorise par un théorème,une démonstration composite,hétéroclite de ce que l’évolution de la symphorapsodie peut devenir par une approche de transmutation lente,de révolution acoustique,de métaphore en continuel essor.Sa narration textuelle se doit,dit Damon,de rester identique afin que les notes trouvent un autre chemin,que les arrangements soient en perpétuels déséquilibres,afin de déambuler dans « autre chose »,dans un mouvement de progression inattendue.Pas d’immobilisme dans cette symphorapsodie oniroscopiste,pas d’attente pour une oreille et surtout pas n’importe quel exposé de notes trop souvent d’usage dans la musique contemporaine ou sa putain,la musique acousmatique,multipliant les fadaises d’infertiles pseudo-compositeurs.Réfléchissons à comment une même œuvre peut se perpétuer en se métamorphosant,bouleversant ainsi les canons,les clés et les usages de la musique dans ses théories.Il faut pouvoir écouter la même œuvre cinq fois consécutives,la reconnaître et être surpris par la découverte d’une autre dimension à chaque fois.L’axiome et le théorème de la possibilité de la symphorapsodie oniroscopiste dans sa morphologie syntaxique,inventive et innovante conduisent à une pensée,à un dessein dont l’esthétique doit être infiniment présent.

La symphorapsodie oniroscopiste qui a été donnée dans l’arène du planétarium théâtre de Bruxelles a témoigné de ce que celle-ci a d’un conte sur la mort et sur le suicide issus des œuvres photographiques de San Damon.

Tous les textes,laissés volontairement absents dans cette version,tendent à forcément nous préparer aux suivantes,chantées ou non,et où l’essentiel sera peut-être ailleurs que là où on l’attend.La magnifique idée de multiples bifurcations,nœuds et/ou intersections promet quant à la création définitive des cinq phases une œuvre unique.

La symphorapsodie oniroscopiste est sans doute un songe sur la mort et la folie issu des œuvres photographiques de San Damon.

Tous les textes,laissés volontairement absents dans cette version,et poésies abordent ou effleurent ces sujets au travers de métaphores de l’existence.L’objectif de cette première version étant de passer par les notes,la musique et ses influences sur l’émoi pour ensuite,et petit à petit,entrer dans la seconde version afin de faire naître les mots.

La « textuellisation » par son essence même impose un sens,ce qui est moins explicite par l’abstraction,dû aux interprétations personnelles de la composition musicale.

Les quinze mouvements composés par Damon commencent en s’approchant de façon inattendue,comme pour mettre à l’aise celui qui écoute,mais rudoient déjà celui qui regarde puisque sur l’écran géant est apparu un magnifique singe.

Assis et paisible,il a derrière lui,sur son côté droit,une immense forêt au ton majoritairement magenta.L’intrigue se pose,comme surgissent du fin fond de cette forêt oniroscopiste,et par métaphore,de notre mémoire primale,des corps hurlants et opprimés.De l’autre côté,c’est clair,on distingue la Rome moderne,New York,représentation des excès,du moins pour certains.Cette atmosphère,ce décor est explicite et donne en traduction le lieu où nous sommes nés,avec déjà l’humain dans toute sa médiocrité,et celui où nous vivons où tant de choses sont à dire qu’il ne reste plus rien à en dire.Un flingue venu de l’extérieur de l’œuvre,et c’est là le premier désarroi,car il se peut que ce soit le singe lui-même qui le tienne posé sur sa propre tempe,entre en scène.Mais le véritable enjeu n’est pas seulement là,depuis son côté paisible,c’est son regard fixe vers celui qui regarde,qui assigne à incidence.Le malaise est immédiat,l’interpellation ne laisse pas de doute.Les cinquante milliards d’animaux assassinés par an par le bel humain vous arrivent en plein faciès,et même les moins sensibles sont écœurés par ce qu’ils sont.La raison tient en tout cas pour eux par ce détail habile,les yeux du singe appartiennent à l’un des nôtres.Ce sont des yeux d’humain qui vous jugent pour ce génocide.

L’ouverture est uniquement basée sur des arrangements de bruitages,de premier abord entendus comme familiers et qui ne sont que des évocations des textes.C’est l’une des raisons pour lesquelles l’intégralité des textes et arrangements est de San Damon,le couplage ne sait se faire que par l’intention.S’ensuit l’introduction,un piano lourd,aux notes qui annoncent la tragédie,est lent,s’impose pour saillir,frappe,martèle et enfin s’envole dans une intensité brève.Sans retomber,le premier mouvement éclot,October Night.Il consiste à établir et à fausser les pistes tant sur le plan photographique,textuel que musical.

Le dessein étant,lorsque les trois éléments sont réunis,de découvir d’autres raisons aux évocations,les aspects fondamentaux se comprennent seuls,mais c’est ensemble qu’ils donnent la signification aux perceptions individuelles.

Si l’on prend le second mouvement,Upper Side West,qui est un voyage en déséquilibre mental au travers d’un quartier qui en réalité s’appelle Upper West Side,l’inversion volontaire s’applique aussi aux textes errant entre des pensées du passé,du passé jamais vécu,seulement évoqué par d’autres,du passé blessé par le chagrin ou du passé modifié par la mémoire qui refuse de rétablir les faits tels qui se sont déroulés.

Réflexe,troisième mouvement,est un jeu entre la multitude des « réflexes » humains, ceux de la pensée,du corps,du geste,des peurs,en d’autres termes du vécu,conscient,inconscient ou subconscient de sa nature intrinsèque.Il n’en demeure pas moins que San Damon évoque clairement le jeu de l’instantané.La photographie est toujours un instantané,mais qui perdure à jamais dans le temps comme étant la réalité du moment.L’évocation s’élargit encore lorsque l’on sait,hormis le sens commun pour l’appareil à être un reflex,à quel point le photographe est l’un des rares,s’il veut constituer la réussite de son projet,à devoir impérativement saisir ce moment comme étant le seul possible.

Le quatrième mouvement s’arrache d’emblée à toute forme d’intimité.Luxury Overdose plonge à souhait celui qui le comprend,presque qui le souhaite,dans la pornographie. Son sens est ici exprimé de façon variée et hétéroclite,il retrace un face-à-face-à-face,une sorte de lancer d’idées entre les trois partenaires.Une partouze où jouir ne serait pas seulement l’objectif.

Une autre errance,tout en subtilité et crasse,suit ce cinquième mouvement,Jerry Slan,personnage issu du cerveau tortueux d’un Damon qui ne lésine plus dans cette cinquième approche à vomir tout ce qui lui passe sous le nez.L’anagramme est une magnifique trouvaille.Ces œuvres toujours aussi inattendues entremêlent l’objectivité et l’imagination,le conte est un songe,l’allégorie,une convention violée et la fable continue son chemin pour des milliers d’âmes en supplice.

I’m in a rush,l’audace musicale est placée arbitrairement,on prend un retour violent des arrangements de Damon qu’il soumet à son texte,afin d’« upercuter » la masse d’images oniroscopistes.On vire d’un bord à l’autre par une mélodie lente et esthétiquement belle pour un hachoir dégorgeant des mots,des notes,des images.Il restitue en expulsant ce que l’on n’attendait plus.

Revenir,revenir au paisible ou du moins le faire croire.Le septième mouvement,A dream again,est en fait un cauchemar,une apparition hallucinatoire morbide et constante.Il évoque par l’écrit Jack,un psychiatre qui ne le croit qu’au travers de ses conceptions apprises.Un psychiatre qui finit par prendre peur de le suivre dans le labyrinthe qu’il a construit autour de différentes pensées et où le suicide,la mort,la schizophrénie et leurs incarnations sont des personnages « vivants ».

La joie,l’amour et la beauté en ce monde,Damon les connaît par l’entremise des animaux.Le huitième mouvement,Cat’s Steps,est d’abord un jeu qu’il mène avec ces amours-là.On voit les chats jouer,aller et venir,courir,se chamailler,dormir du sommeil de l’intelligence.

On the road US.466,le neuvième mouvement,est aussi une route fort connue pour avoir au croisement Fresno et Bakersfield fait l’objet d’un roman du même nom.Ici,la mort est joueuse,ne gagne pas,puis oui,ensuite bof…….et le jeu continue.Le thème semble donner des accélérations comme si,assis le cul dans une bagnole basse,on voyait un décor depuis un point de vue tronqué et plus rapide,plus rapide que le tempo et où les images damoniennes défilent l’une sur l’autre,se frottent,se craquent et partent en vitesse au vent.

Animaux,dixième mouvement,le texte et la musique sont un arrache-cœur qui dès le début vous prennent à la gorge,les larmes submergent sans discontinuer.On ressent une telle honte d’être cet être humain qui massacre l’animal chez lequel nous nous sommes invités et à qui nous avons tout pris.Sa seule revanche,avoir gardé sa dignité alors que nous avons perdu,pour peu que nous l’ayons eue,la nôtre.Les étymologies des mots « bestialité » et «  animosité » devraient être changées contre celle d’ « humanité »,et vice  versa forcément.Le texte et la musique nous montrent finalement cet humain-assassin ridicule.L’animal est ici celui qui questionne l’être soi-disant supérieur.Son désarroi à être en ce monde le seul être à devoir subir sans pouvoir jamais se défendre.L’espoir,par obligation,en celui qui prétend avoir ce cœur dont il parle si souvent.La peur car l’assassin est avant tout un barbare.La mort qu’il distribue au gré de son imbécillité,pour finir par l’utopie d’une liberté que cet assassin n’a déjà plus lui-même.

Puzzle,mouvement onze,texte contestataire et musique qui le fait comprendre,contre l’identité obligatoire.Le grand big brother en personne,éclat de rire au coin des joues,en prend plein la gueule.Le personnage du texte se distrait,berne,dupe,trompe jusqu’à l’abus des contraintes de la société.

Onirosman est la construction par images,textes et musique d’un grand foutoir au milieu d’un jeu d’échecs,où les personnages se heurtent,se trahissent,humains of course.

The bubbles est la suite du personnage échappé du jeu d’échecs qui passe sa dernière nuit à savoir comment il va se suicider et finit par se pendre,seule façon d’être sûr d’en finir sans crainte d’être repris.

The circle,quatorze fois politique,quatorze fois à chercher dans un même mouvement la sortie,s’enfuir loin de l’esprit bipède.

Spleen my love,le quinzième et dernier mouvement se conjugue en une fausse répétition du thème pour un texte d’une grande désillusion où la mort par le suicide est préférable à l’ennui.Le thème revient sept fois,s’emballe trois fois,se calme une fois et repart dans une aliénation,un trouble monomaniaque d’un très grand esthétisme une dernière fois.Chanté,le thème devrait revenir quatorze fois,un défi magnifique,clairement vaincu.

Les segments qui unissent les mouvements sont parfois des évocations des thèmes principaux mais joués dans une autre configuration.

San Damon parle de segments lorsqu’il s’agit de musique.Ces segments prennent l’appellation,lorsqu’il nous entraîne dans ses œuvres photographiques,de valeur abstractive.Elles sont pourtant bel et bien à l’origine des photos dites nettes et présentées dans le mouvement précédent.Mais jouant au développement à l’ancienne,il surexpose ou,à l’inverse,déforme le ou les mouvements de ladite œuvre ou une partie,sature,désature,inclut une densité propre au noir et blanc ou fait intervenir quelques acides chimiques et ce dans la même œuvre.

Résultat époustouflant,dans les dômes de planétariums l’effet est prodigieux,les œuvres tombent sur le regardant par le zénith,l’entourent,le couvrent.New York captive à nouveau sous un aspect forcément inconnu.

« Humanité zéro »,patronyme de la première phase,ou le constat joyeux qui s’impose dans une vision indéniable réaliste.

La marge et l’appréhension des couleurs,comme Drieu la Rochelle les aurait décrites, sont là,pensantes,dans un désespoir inévitable mais ravi.Une sorte de chagrin mélancolique,de décisif poisseux allant droit à la note juste dans une contradiction des jeux,des nuances et d’une densité fiévreuse.

Les couleurs de l’oniroscopisme que crée Damon en 2004 sont probablement issues de certaines parties des théories de Hering,Maxwell et Grassmann qui au cours du 19ème siècle ont longuement théorisé sur les couleurs fondamentales,saturation,densité et luminosité.San Damon pense qu’il n’y a pas de couleurs primaires fondamentales,mais simplement des couleurs primaires plus pratiques que d'autres.

Johann Wolfgang von Goethe,à la même époque,établit que seuls le jaune et le bleu sont perçus par nous comme des couleurs entièrement pures.Le jaune est la porte d’entrée vers la lumière et le bleu la porte vers l’obscurité,ces deux pôles opposés entre lesquels toutes les autres couleurs se laissent ordonner.

Il semblerait que l’oniroscopisme s’approche par instants de ces déductions,on a le sentiment que Damon a exploité les aspects des couleurs métamères avec une grande dextérité.Le jeu de la lumière par une architecture aux axes particuliers donne une perception pas toujours perceptible à l’œil nu,d’où le métamérisme.

Comme l’avait observé le même Gœthe,une même lumière avait une dominante jaune devant un fond blanc,puis une dominante bleutée devant un fond noir.Ainsi que le papier blanc apporte une source lumineuse naturelle et une force aux couleurs.

L’oniroscopisme bafoue l’équilibre des pôles,les variantes presque indicibles se mélangent et s’arrachent à l’évidence,aux habitudes,aux conventions de ce qu’attend notre œil et au monde des couleurs qui nous entourent.

C’est une conformation,une allure,un contour allégorique et mystique de la couleur jaillissant de l’oniroscopisme.

Pour citer Thierry Lenain ( esthéticien et théoricien de l’art à l’Université Libre de Bruxelles, « extrait du film documentaire,San Damon oniroscopisme » ) sur le rendu du temps que développe San Damon…. : « Et donc face à cette difficulté de vivre le temps,les images de San Damon,à mon avis,peuvent un petit peu nous aider.(…) Déjà en montrant cette polymorphie du temps.Et je crois que cette polymorphie du temps qui est d’une certaine manière démontrée par la pratique,à travers l’art de San Damon,est une bonne chose puisqu’elle offre en quelque sorte une possibilité de choix,(…) toutes ces photos sont bien des photos,qui plus est des photos argentiques,d’un genre,c’est vrai,assez spécial,mais qui ne nous empêchent pas néanmoins de procéder à un enregistrement visuel d’un état de choses qui s’est trouvé là à un moment et en un instant donnés.(…) Et ce qui est tout à fait remarquable dans cette œuvre-là,c’est que cette illisibilité photographique résulte dans une grande puissance plastique,c’est-à-dire qu’on est presque là dans une sorte de peinture abstraite (…) donc quelque chose encore une fois d’organique et de spontané,qui rappelle bien sûr la peinture gestuelle,l’action painting.Ici,on peut dire que San Damon fait œuvre de photographe gestuel.